October 25, 2024
Savoir-faire et vision — l’avenir de Michino
Ce dernier chapitre de l’histoire de Michino Paris explore l’essence même de la création — la manière dont les idées, les philosophies et l’esthétique prennent forme dans la matière.
Dans le premier chapitre, nous avons découvert la philosophie de vie de Yasu Michino.
Dans le second, nous avons exploré sa vision de l’élégance, fondement de l’identité de la Maison.
À présent, dans ce troisième et dernier volet, nous nous penchons sur le passage de la pensée au geste, sur la façon dont Yasu transforme sa vision en design.
Et au-delà de ce savoir-faire, quel avenir se dessine pour Michino Paris, au fil de son évolution ?
Sur l’inspiration du design
Chaque création Michino porte en elle le monde intérieur de Yasu — sa philosophie de vie, sa conception de l’élégance et sa lecture subtile de la modernité.
Mais qu’est-ce qui nourrit cette inspiration ?
D’où vient l’étincelle qui se transforme en forme, en fonction et en beauté ?
Sac à main — Lutèce Mini Taupe
« Enrichir ma bibliothèque intérieure de matières. »
« Pour trouver l’inspiration, je m’efforce de voir et de toucher le plus de choses possible », explique Yasu.
« Le cerveau enregistre inconsciemment tout ce que nous percevons — ce que nous voyons, ce que nous ressentons — et le classe à travers nos propres filtres intérieurs. Puis, lorsque je me mets à créer, ces impressions refont surface naturellement : ce qui m’a profondément touché reste en moi. »
Il illustre cette idée par une anecdote :
« Lorsque j’ai imaginé cinq nuances de rose pour une nouvelle édition du sac Lutèce, je me suis rendu compte après coup que ces couleurs provenaient de mes souvenirs — des teintes que j’avais vues un jour et instinctivement aimées.
Il existe une infinité de roses, mais ces cinq-là me parlaient parce qu’elles faisaient déjà partie de ma palette intérieure. »
« Plus on accumule d’expériences visuelles et sensorielles, plus cette bibliothèque intérieure devient riche.
C’est là que réside la véritable source de l’inspiration — celle qui donne profondeur, justesse et authenticité à la création, qu’il s’agisse d’une forme ou d’une couleur.
« Me maintenir dans un état d’esprit heureux. »
« Je puise souvent mon inspiration dans mes souvenirs sensoriels — une atmosphère, un parfum, une couleur liés à un moment de bonheur », confie Yasu.
« Ces sensations restent gravées en moi avec une grande précision, et elles ressurgissent naturellement dans mes créations. »
Accumuler les expériences et cultiver le bonheur
Emmagasiner des expériences dans son esprit — et, comme évoqué dans le premier chapitre, préserver un état de bonheur intérieur — sont deux conditions essentielles à la créativité.
En cultivant consciemment ces habitudes, Yasu alimente un réservoir d’inspiration riche et vivant, d’où ses créations prennent forme naturellement.
Une passion pour le cuir de Taurillon
Au cœur de Michino Paris se trouve une matière d’exception : le cuir de Taurillon.
Parmi les différentes peaux bovines — veau, cuir pleine fleur ou autres — le Taurillon se distingue par sa rareté, sa qualité incomparable et sa beauté subtilement naturelle.
Alors que de nombreuses maisons privilégient le cuir de veau, Michino Paris reste fidèle à son choix du Taurillon.
Mais qu’a donc ce cuir de si particulier pour être devenu l’âme même de la Maison ?

La quête de la qualité
« Le cuir de veau est un matériau populaire dans la maroquinerie — facile à travailler et largement disponible — mais sa qualité varie énormément », explique Yasu.
« Les cuirs de veau à prix réduit présentent souvent des marques ou de petites imperfections, liées aux conditions d’élevage de l’animal.
À l’inverse, le cuir de Taurillon que nous utilisons provient exclusivement de Suisse et d’Espagne, de bêtes élevées dans des environnements soigneusement contrôlés.
C’est ce qui lui confère, dès l’état brut, une qualité intrinsèque exceptionnelle. »
L’expression parfaite du style Michino
« Comme je l’ai déjà évoqué, l’essence de Michino réside dans l’élégance.
Mais nos créations sont conçues pour s’adapter — elles peuvent aussi se prêter à un usage plus décontracté selon les circonstances.
Le cuir de Taurillon offre cet équilibre idéal : il possède de la tenue tout en restant souple.
Il peut évoquer le raffinement, mais aussi la fluidité et la légèreté.
Sa surface régulière, au grain naturellement élégant, capture la nuance unique de Michino — à la fois chic et décontractée — avec une précision absolue. »
Un sentiment d’exclusivité
« Même parmi les grandes maisons de luxe, nombreuses sont celles qui associent le Taurillon à d’autres cuirs pour diverses raisons.
Chez Michino, nous avons choisi d’en faire le cœur de nos collections, afin de préserver cette rareté, cette forme de discrète exclusivité qui signe notre identité. »
Rémy Carriat — Tannerie d’excellence au cœur du Pays basque
Transformer une peau brute en cuir noble ne relève pas seulement d’un savoir-faire, mais d’un véritable art.
La qualité finale dépend autant des gestes du tanneur que de sa philosophie du métier.
Pour Michino Paris, ce partenaire s’appelle Rémy Carriat, tannerie française de renom installée au cœur du Pays basque.
Fournisseur des plus grandes Maisons — dont Hermès — Rémy Carriat a été choisi non seulement pour son artisanat d’exception, mais aussi pour une vision du travail en parfaite harmonie avec celle de Michino.
La fierté d’une tannerie
« Rémy Carriat n’est pas une usine de grande envergure », explique Yasu.
« Et c’est justement ce qui la rend proche de l’esprit Michino.
Dans les grandes tanneries, les maisons de luxe sont les clients principaux ; les marques plus petites, comme la nôtre, se voient souvent attribuer des volumes restreints, parfois même une qualité moindre.
Rémy Carriat, au contraire, tout en fournissant des maisons prestigieuses comme Hermès, choisit de travailler avec sincérité avec des marques plus confidentielles qui partagent la même exigence de qualité.
Leur philosophie — offrir des cuirs d’exception à ceux qui en reconnaissent la valeur — correspond parfaitement à celle de Michino.
Ils ne sacrifient jamais leurs standards, ne cèdent pas aux effets de mode.
Ils demeurent fidèles à leur artisanat, guidés par la conviction plutôt que par la quantité.
Cette intégrité, cette fierté du métier, je la respecte profondément — c’est la raison pour laquelle je souhaite collaborer avec eux. »
Un savoir-faire d’exception
« Bien sûr, l’une des principales raisons de notre partenariat avec Rémy Carriat réside dans leur maîtrise technique hors du commun », poursuit Yasu.
« Quiconque a déjà touché leur cuir de Taurillon le sait : il possède une sensation unique — souple mais structurée, avec une douceur poudrée qui évoque la peau d’un bébé.
Ce n’est pas comme la soie : c’est plus subtil, plus organique.
Nous l’appelons le toucher talc.
Le talc, minéral utilisé dans les cosmétiques, incarne pureté et délicatesse ; et c’est exactement ce que l’on ressent au contact du cuir de Rémy Carriat.
À notre connaissance, aucune autre tannerie au monde ne parvient à reproduire cette texture si singulière. »
Une teinture d’une précision remarquable
« Leur technique de teinture est également extraordinaire, ajoute Yasu.
Chaque peau est colorée lentement, avec une attention méticuleuse, un soin presque méditatif.
Ce processus révèle une profondeur et une intensité de couleur exceptionnelles, essentielles pour exprimer la palette subtile et nuancée de Michino. »
Les maîtres artisans de Florence, en Italie
C’est à Florence, au cœur de l’Italie, que le cuir prend vie et se transforme en sacs finis.
Dans ces ateliers, qui travaillent aussi pour certaines des plus grandes Maisons de luxe au monde, une poignée d’artisans chevronnés donne forme aux créations Michino avec une précision et une sensibilité rares.
Mais alors, qu’est-ce qui définit vraiment un artisan d’exception ?
Pour un artisan, la sensibilité est primordiale
« Bien sûr, l’expérience compte — les années de pratique affinent le geste et la technique, » explique Yasu.
« Mais au-delà du savoir-faire, ce qui distingue véritablement un grand artisan, c’est la sensibilité.
Par sensibilité, j’entends cette capacité à ressentir instinctivement la nuance d’un designer — à comprendre ce qu’il souhaite exprimer, même sans mots, et à traduire cette émotion dans la matière.
Par exemple, savoir intuitivement quelle épaisseur de cuir choisir, où renforcer la structure, comment placer un bouton ou une couture — sans avoir besoin d’indications détaillées.
Un artisan capable de percevoir ces subtilités est inestimable.
Et bien sûr, cette sensibilité s’affine avec le temps : elle naît de la collaboration avec de nombreux créateurs, de l’écoute et de la capacité à lire entre les lignes pour deviner l’intention derrière chaque geste. »
L’art de sublimer la beauté naturelle du cuir
« Dans un chapitre précédent, j’évoquais l’idée que vivre naturellement, en accord avec soi-même, représente l’essence de l’élégance. Il en va de même pour les sacs, » explique Yasu.
« Le cuir provient d’un être vivant ; c’est pourquoi je cherche toujours à préserver son état le plus authentique.
Lorsqu’un design devient trop élaboré ou complexe, il impose souvent des coupes ou des coutures forcées — et d’une certaine manière, cela me semble injuste envers le cuir… et envers le sac lui-même.
Même avec un cuir de qualité inférieure, on peut masquer les défauts grâce à l’embossage, mais le résultat paraît toujours un peu artificiel.
C’est pour cela que je choisis le cuir de Taurillon, naturellement beau, sans artifice. »
« Le même principe s’applique au travail artisanal.
Les artisans les plus talentueux savent où et comment couper le cuir selon son flux naturel, comment aligner les coutures pour sublimer, plutôt que contrarier, le grain.
Cette sensibilité, ce respect du matériau, c’est ce qui définit la véritable maîtrise du geste. »
Reconnaître la force de chaque artisan
« Les artisans qui fabriquent les sacs Michino sont des professionnels accomplis, chacun avec sa spécialité propre, » poursuit Yasu.
« Ayant conçu de nombreux modèles pour diverses Maisons, j’ai appris à identifier les points forts de chacun.
En confiant chaque création à l’artisan le plus apte à réaliser la forme imaginée, nous garantissons un niveau de précision et de finition exceptionnel.
Tout est une question d’harmonie : accorder la compétence au dessein. »
Chez Michino, la forme finale d’une création dépend de la main qui la façonne.
En cultivant des relations fondées sur la confiance et le respect mutuel, et en confiant chaque pièce à des artisans dont la sensibilité rejoint la vision de la marque, Michino parvient à cette équilibre parfait entre qualité et émotion.
Une obsession du détail métallique
Même les éléments métalliques des sacs Michino révèlent une attention méticuleuse au design et à l’harmonie visuelle.
Une touche de lumière subtile
« Le rôle du métal est d’ajouter une lueur discrète, un éclat mesuré, » explique Yasu.
« Si les pièces sont trop grandes ou trop petites, ou si elles sont trop nombreuses, l’équilibre se perd.
Le fini est également crucial.
Lorsque le plaquage est trop fin, les fabricants ajoutent souvent un vernis transparent pour le protéger, mais cela donne un aspect artificiel, presque bon marché.
Chez Michino, nous préférons un plaquage plus épais, évitant ainsi le vernis, pour offrir une brillance noble et durable. »
L’élégance du mouvement
« Beaucoup de nos modèles — Lutèce, Opéra, Élysée, Odéon — possèdent de petits fermoirs métalliques à tourner.
Ce geste en apparence simple, celui d’ouvrir une attache, dégage une élégance naturelle.
Il évoque le rituel délicat d’ouvrir un coffret précieux, un instant suspendu entre luxe et intimité.
L’important, c’est ce petit mouvement maîtrisé, ce geste subtil : une touche de grâce dans le quotidien. »
« Une seule action suffit » — l’art de la simplicité réfléchie
« À force de concevoir toutes sortes de sacs, j’ai compris une chose essentielle : ouvrir ou fermer un sac ne devrait jamais nécessiter plus d’un geste », confie Yasu.
« Au-delà, cela devient inutilement complexe, presque maladroit.
Les fermoirs des sacs Michino peuvent paraître simples, mais ils sont pensés pour encourager un mouvement délicat, fluide et naturel.
Derrière cette simplicité se cache une véritable intention : un détail discret mais réfléchi, qui fait que la personne qui porte le sac paraît élégante sans effort. »
L’avenir de Michino Paris
Pour Yasu, Michino Paris représente l’aboutissement d’un parcours de vie, la synthèse de décennies d’expérience, de réflexion et de création.
Mais vers où se dirige désormais la Maison ?
Entre inspiration et réalité du marché
« Si je créais uniquement selon mon inspiration, cela deviendrait une démarche égoïste, refermée sur elle-même, » reconnaît Yasu.
« À l’inverse, si je me contentais de répondre aux attentes du marché, le résultat serait sans risque… mais aussi sans âme.
Le vrai défi, c’est de trouver l’équilibre entre expression personnelle et désir du public. »
« Pour l’avenir, je veux que Michino Paris reste une marque qui raconte une histoire à travers chaque sac — une histoire singulière, expressive, mais qui résonne naturellement avec des personnes de tous âges, de tous horizons, attachées à l’authenticité et à la qualité. »
Le sens profond derrière la marque
« Il fut un temps où je pensais que créer ma propre marque était l’objectif ultime pour un designer, » confie Yasu.
« Aujourd’hui, je vois plus loin. Je me demande : que puis-je accomplir à travers cette marque ?
Comment puis-je contribuer, par le design, à enrichir la vie des gens, à apporter quelque chose de significatif à la société ? »
« J’aimerais que les clients apprennent à travers la mode, qu’ils découvrent la culture, les références et les émotions qui se cachent derrière un objet.
Prenons par exemple la Lutèce couleur Giverny : ce n’est pas un simple vert.
Il s’inspire des jardins de Monet à Giverny, de ces nuances de verts japonais qu’il aimait tant et qu’il peignait.
Lorsqu’une personne découvre ce lien, le sac devient plus qu’un accessoire, et la couleur plus qu’un pigment : il porte en lui une histoire, une fenêtre ouverte sur l’univers de Monet et sur la beauté qu’il cherchait à saisir. »
Sac à main — Lutèce Mini en Giverny
« À travers les créations Michino, je souhaite que les gens découvrent bien plus que la mode : qu’ils s’ouvrent à l’art, à la culture et à l’histoire.
Je veux que Michino soit une marque qui éveille la curiosité, qui invite à regarder le monde différemment et à apprécier la beauté qui nous entoure. »
Épilogue
Au fil de cette série en trois volets, nous avons exploré l’univers de Michino Paris : son élégance discrète, sa fonctionnalité raffinée, et la philosophie intime qui insuffle vie à chaque création.
Le charme de Michino ne réside pas seulement dans l’équilibre minutieusement pensé entre forme et fonction, mais aussi dans les valeurs profondes qui le façonnent — la vision de vie et la sensibilité intérieure de son fondateur et designer, Yasu Michino.
Avec un savoir-faire et une sophistication comparables aux plus grandes Maisons de luxe, Michino Paris demeure une marque accessible, intemporelle, permettant à chacun de goûter le plaisir d’un sac véritablement exceptionnel.
Plus qu’un simple accessoire, chaque création Michino éveille l’émotion, l’intelligence et la sensibilité.
Elle invite celui ou celle qui la porte à s’approcher de l’élégance véritable — celle qui s’exprime naturellement, sans effort, dans les gestes du quotidien.
Chaque création Michino Paris porte en elle cette énergie douce et joyeuse, une forme de bonheur silencieux qui émane d’un design réfléchi et d’un artisanat sincère.
Entretien et texte : Mami Fujii